Le Cambodge : un peu d'histoire

Vous trouverez ci-dessous un article rédigé par Monsieur le professeur Jacques BAULIEUX, consul honoraire du Royaume du Cambodge et ancien président de LAFETT-MH. Ledit article retrace quelques périodes de l'histoire du Cambodge. Il est  surtout conseillé aux étudiants qui souhaitent effectuer un stage dans un hôpital au Cambodge.

 Le Cambodge est un petit pays, d'environ 180 000 kilomètres carrés (environ un tiers de la France métropolitaine) situé en Asie du Sud-Est à plus de 11 000 km de la France. Il est situé à l'extrémité de l'Asie du Sud-Est, entre la Thaïlande, le Laos et le Vietnam, avec environ 450 km de côtes sur le golfe de Thaïlande. Le port de Sihanoukville (Kompong Som) est en cours de complète réhabilitation. Il est traversé par deux grands fleuves le Mékong et le Tonlé Sap, qui jouent tous deux un rôle primordial dans son économie.

La carte du Cambodge

Quelques vestiges indiquent de façon tangible que la région était habitée à la période néolithique. Mais les populations primitives n'ont laissé aucune trace écrite de leur civilisation.

Les royaumes primitifs (environ 100-802)

Les premières chroniques ont été rapportées par des historiens chinois qui entretenaient des relations diplomatiques avec le Cambodge primitif depuis le troisième siècle. Elle concerne un royaume nommé FOUNAN où l'on pratiquait le culte de Shiva. Les marchandises y transitaient, provenant de lieux aussi reculés que l'empire romain.

Les écrits chinois font ensuite allusion à un royaume unifié prospère nommé TCHEN LA qui aboutira vers le 7ème siècle à une scission entre « TCHEN LA de terre » et « TCHEN LA de l'eau ». À la suite de conflits internes et externes les principautés du TCHEN LA de l'eau furent obligées de s'exiler à Java, ou l'on y note la présence du roi JAYAVARMAN II (802-836 environ), futur fondateur de l'empire d'ANGKOR.

Le royaume d'Angkor (802-1431)

Habitée depuis le néolithique, la région entourant Siem-Reap, au nord du lac Tonlé Sap, devient le cœur de l'empire angkorien, du IXe au XVe siècle. Un grand nombre d'inscriptions en sanskrit et en khmer, et des milliers de bas-reliefs ont permis de reconstituer cette période. On y trouve en particulier la biographie de JAYAVARMAN II. À son retour d'exil de Java, le souverain du « TCHEN LA de l'eau » introduisit le culte du dieu-roi (monarque universel). Sous son règne seront construits de grands monuments religieux, dans la région et ce roi est considéré comme le père fondateur du royaume.

Les rois successifs eurent chacun à cœur de construire de nouveaux temples et d'instaurer un vaste programme d'irrigation. Peu à peu l'empire s'urbanise, la population s’accroît, et l'on voit apparaître des chefs-d’œuvre architecturaux : temple en grès rose de BANTAY SREY, temple majestueux d'ANGKOR VAT, etc....

Malheureusement les luttes intestines sont nombreuses et vers 1177, les CHAMS saccagent Angkor pour assouvir leur vengeance.

C'est JAYAVARMAN VII (1181-1218) qui rendra à l'empire tout son éclat d'antan. JAYAVARMAN VII est considéré comme le plus grand roi d'Angkor et le dernier à avoir disposé d'un immense pouvoir. Il chasse les Chams qui ont profané les temples de ses prédécesseurs, entame un vaste programme de construction (écoles, bibliothèques, 107 hôpitaux répartis dans tout l’empire khmer…) et après la victoire contre les Chams, envahit les provinces voisines, pour étendre son royaume. Il construit le célèbre temple du BAYON. Il fait construire des centaines de temples, d'hôpitaux, gagnant ainsi le respect du peuple. C'est la grande période d'Angkor, qui s'étend sur près de 3000 kms² et comprend une population de 700 000 à 1 million d'habitants. Il embrasse la foi bouddhique, d'abord sous la forme du bouddhisme mahayana (Grand véhicule), mais cela n'empêchera pas le remplacement ultérieur par le bouddhisme Theravada (Petit véhicule).

Quelques siècles plus tard, vers 1400, la capitale ANGKOR THOM tombe aux mains des Thaïs. La région perd son statut de capitale royale. La période angkorienne s'achève.

Portrait attribué au Roi Jayavarman VII - Musée Guimet

La période post-angkorienne (1432-1863)

C'est une période de décadence progressive, appelée par certains « l'âge des ténèbres » du Cambodge. Parmi les explications, il y a bien sûr les incursions militaires des siamois (Thaïs) voisins. À cette période l'empire khmer fait aussi front à l'invasion progressive par les voisins de l'Est (vietnamiens). Les siamois et les Vietnamiens annexent de vastes provinces du Cambodge. Il y a aussi une explication d'ordre géographique : la raréfaction des eaux venues du Mont Kulen, entraînent des difficultés d'entretien des lacs artificiels (barays), qui permettaient l’irrigation des terres agricoles voisines, expliquant ainsi la chute progressive du royaume. Celui-ci est progressivement rayé véritablement de la carte d’Asie du Sud-Est. Entre 1800 et 1862, c'est une véritable guerre génocidaire avec les voisins venus de l'empire du Siam et de l'empire d'Annam.

À partir de 1841, le Cambodge perd une grande partie de son territoire qui intègre le sud cochinchinois, dans ce qui deviendra plus tard le Vietnam du Sud.

Carte de l'empire khmer

Le protectorat français (1863-1953)

C’est le roi ANG DUONG qui fit appel à la France par l'intermédiaire d’un missionnaire français (Monseigneur MICHE), qu’il a connu à Bangkok. Le roi demanda sans détour, l'aide des Français qui avaient débarqué au Vietnam. C'est donc sous l'empire de Napoléon III, que les Français « découvrent » ANGKOR (Henri MOUHOT) et qu'une expédition dirigée par DOUDART de LAGREE, avec Francis GARNIER et Louis DELAPORTE (dont les moulages sont exposés au Musée Guimet), remonte le Mekong, et le Tonle Sap, jusqu'à Angkor. Pendant cette période, la France aura la mainmise sur les trois rois suivants. La France exerce sa tutelle politique, nomme un gouverneur général et établit une colonisation pacifique, qui durera jusqu'à la seconde guerre mondiale. Cependant, en encourageant l'immigration chinoise et surtout vietnamienne, le pouvoir colonial attisa la haine des khmers à l'égard de leurs voisins. Rattaché, comme le Laos, à l'union indochinoise (qui comprenait par ailleurs la Cochinchine au sud, l'Annam et le Tonkin) le royaume allait connaître la paix et une prospérité relative. À partir de 1907, l'Ecole française d'Extrême-Orient accomplit à Angkor, un travail de restauration remarquable. Certaines œuvres furent présentées à Paris, lors de l'exposition coloniale de 1931. Le pouvoir colonial encouragea le développement des grandes plantations d'hévéas. Il se consacra aussi à l'aménagement des grandes villes, à la construction de routes, de voies ferrées et d'hôpitaux. Mais il négligea le développement de l'instruction publique, largement assurée par le clergé bouddhique. Les immigrés vietnamiens, comme les Chinois, occupèrent des postes subalternes dans l'administration. Aussi vit-on, dans les années 1930, apparaître une jeunesse intellectuelle proche du jeune parti communiste indochinois, commencer à exprimer un sentiment nationaliste.

Les Japonais avaient pris pied en Indochine dès 1940, soutenant les mouvements nationalistes locaux.

Toute l'Asie du Sud-Est entre alors dans une période de troubles guerriers. La guerre d'Indochine commence en 1946 et durera jusqu'en 1954, date de la défaite de Dien-Bien-Phu. C’est en 1949, sous la présidence de Vincent Auriol, qu'apparaîtra véritablement le Vietnam.

En 1945, la France installe sur le trône le jeune roi NORODOM SIHANOUK, et oblige la Thaïlande à rendre les territoires cambodgiens, qu'elle avait annexés.

En 1952, le jeune roi Sihanouk prend le contrôle du gouvernement, en qualité de premier ministre et menace la France d'un soulèvement populaire, si elle ne lui accorde pas l'indépendance.

Celle-ci est obtenue le 9 novembre 1953, et le roi Sihanouk institue alors une politique de neutralité. Le Cambodge vivra en paix pendant une période de 20 ans

Il faut rappeler que c'est à la suite des accords de Genève, le 21 juillet 1954, que prit fin à la guerre d'Indochine aboutissant à l'indépendance du Vietnam, du Laos et du Cambodge.

Mais dès 1955, commença la guerre du Vietnam, entre le Vietnam du Nord et le Vietnam du Sud, de chaque côté 17e parallèle. Elle durera jusqu'en 1975.

En 1965 l'armée américaine commença à intervenir massivement au Vietnam. Des centaines de milliers de tonnes de bombes furent larguées sur l’Asie du Sud-Est.

En particulier le bombardement du Cambodge visant à bloquer l'invasion des Vietnamiens du Nord, sur la piste Ho Chi Minh, se produisit en 1970, déversant environ 530 000 t de bombes sur le Cambodge, tuant près de 500 000 victimes civiles…

La république khmère (1970-1975)

Malheureusement le développement économique sous ce premier règne de Sihanouk aboutit à des inégalités économiques et à la corruption, permettant aux intellectuels, de semer les graines du communisme.

En réaction, le parti de droite du chef des armées, le général LON NOL, remporta les élections de 1966.

En 1970, LONG NOL, avec l'approbation tacite des États-Unis, organise un coup d'État entraînant la destitution de Sihanouk et l'abolition de la monarchie. C'est la naissance de la République du Cambodge avec le général LONG NOL comme premier président. Furieux, le roi Sihanouk se range du côté des communistes et la majorité des paysans Cambodgiens lui reste fidèle… Ce qui annonce une bien triste période…

Les bombardements de la région nord-est du Cambodge seront déterminants pour la suite des événements

Le 27 janvier 1973, les Accords de Paris aboutissent au retrait des troupes américaines du Vietnam. Ce n'est qu’en 1974, que les Américains évacuent le Cambodge. Dès lors les Vietnamiens du Nord (Viêt-minh) ont la voie libre et la chute de Saïgon interviendra le 30 avril 1975. Saïgon deviendra Ho Chi Minh ville.

La période génocidaire du régime Khmer rouge (1975-1979)

La récession économique, les scandales, les échos de la révolution culturelle chinoise poussèrent de nombreux jeunes intellectuels vers le marxisme. C'est la naissance d'un « mouvement khmer rouge » (ainsi baptisé par SIHANOUK, lui-même) regroupant de nombreux maquisards, qui passent à la lutte armée dans le nord du pays. Ce mouvement ultra-maoïste répressif s'étendit rapidement et le 17 avril 1975, les Khmers rouges firent leur entrée dans Phnom-Penh (c'est l'année ZERO). Immédiatement, ils exécutèrent tous les soldats et fonctionnaires du régime de la République khmère et firent évacuer Phnom-Penh et toutes les villes, sous le faux prétexte d'un bombardement américain imminent. Ils vidèrent la capitale « corrompue » en 48 heures. Ils obligèrent la population à se réfugier dans les campagnes. La population fut déportée pour travailler dans les rizières.

Le régime Khmer rouge commença à appliquer dans tout le pays une doctrine maoïste et marxiste-léniniste radicale, « l’Angkhar »,sorte d'utopie agraire, abolissant la propriété privée, fermant tous les centres religieux éducatifs et obligeants tout le monde à porter la tenue révolutionnaire (pyjama noir). Les Khmers rouges instituèrent un régime de terreur. Tous les réactionnaires, cadres de l'ancien régime, bourgeois, intellectuels, enseignants, médecins, furent exécutés. Les religions furent bannies, les bonzes défroqués ou assassinés. On ferma les frontières en les truffant de mines. Leur chef était Salot SAR, surnommé Pol Pot, accompagné de quelques révolutionnaires : TA Mok (frère No 2), IENG Sary et KHIEU Sampan.

La population fut massivement déportée, regroupée dans des camps de concentration (tel le tristement célèbre camp S21- Tuol Sleng, à Phnom Penh, dirigé par le terrible DUCH).

Au total, on dénombre environ 2,5 millions de morts, sur une population de 7,5 millions d'habitants…

Des centaines de milliers de Cambodgiens tentent de survivre dans des conditions précaires, dans la forêt, souffrent de la famine, et des maladies parasitaires, cherchent à passer la frontière pour se réfugier dans les camps thaïlandais.

Les survivants, réfugiés politiques, s'expatrieront s vers la côte-ouest des États-Unis et surtout en France. On compte actuellement environ 2600 familles de Cambodgiens expatriés, regroupés dans la région Rhône-Alpes.

À la fin de l'année 1978, les Vietnamiens communistes du Nord franchirent aisément la frontière et apparaissent comme des "envahisseurs-libérateurs" mettant fin au règne sanglant des Khmers rouges. Ils envahissent Phnom-Penh le 7 janvier 1979. Ils occuperont le Cambodge pendant 10 ans, jusqu'en 1989, instituant la « République populaire du Kampuchea ».

Les Khmers rouges se retranchent au nord-est du pays, ils truffent le pays de milliers de mines anti-personnel, qui feront d'innombrables morts et mutilés parmi les Cambodgiens eux-mêmes, aujourd'hui encore…

Mais en fait les Khmers rouges conserveront leur siège aux Nations unies jusqu'en 1993…

Après les Khmers rouges

Suit alors une période de transition dont l'analyse est difficile à simplifier.

À la suite de l'invasion vietnamienne s'institua un régime communiste.

L'arrivée des forces de l'ONU, avec les « casques bleus" de l'APRONUC, apporta une véritable manne financière pour les commerçants Cambodgiens avec comme corollaire la prostitution… et le sida.

Le 23 octobre 1991, à la suite de longues négociations entre les partis, seront signés les Accords de Paris, dans l'attente d'élections nationales. C'est le retour du roi Sihanouk.

Les élections libres de 1993, aboutissent à la victoire du Parti du peuple cambodgien (PPC), dirigé par HUN SEN, par rapport au FUNCIPEC, du prince NORODOM Ranariddh, fils ainé de SIHANOUK. Les deux leaders sont nommés co- premier ministres.

Le 5 juillet 1997, HUN SEN fait un coup d'état et évince RANARRIDH.

En 1998, décède Pol Pot qui s’était retranché dans la campagne autour d'Anlong Veng, au nord du pays, à proximité de la frontière thaïlandaise. En 1998, TA Mok est arrêté. La même année, on retrouva DUCH.

En 1999 le Cambodge adhère à l'ASEAN, (Association des nations de l'Asie du Sud-Est).

En 2004 à la suite de l'abdication de Sihanouk, son fils le roi NORODOM SIHAMONI, (chorégraphe et danseur) succède à son père.

Roi Sihamoni et ses parents

A partir de 2009, est mis en place un tribunal spécial mixte, composé de juges Cambodgiens et internationaux, pour le jugement des chefs Khmers rouges. DUCH est condamné à perpétuité. Il décèdera en 2020.

Le 12 octobre 2012, décède le « roi-père » Norodom Sihanouk.

HUN SEN, est actuellement toujours au pouvoir. C’est le plus ancien premier ministre au monde.

L'ancien premier ministre HUN Sen

😍Recommandations :

1. A Siem Reap, visiter le magnifique Musée National d’Antiquités angkoriennes. Il permet de comprendre l’histoire complexe d’Angkor et de l’Empire khmer.

2. Lire :

- « Cambodge Année Zéro » - Père PONCHAUD , pour comprendre le Régime de POL POT

- « Le Portail » François BIZOT

3. Voir le film : « La Déchirure ».

 

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